lundi 16 août 2010

Envolée bucolique et introspection…

Quand on a décidé de faire du woofing, on n’avait strictement aucune idée de ce qui nous attendait. Perso, je ne sais rien faire de mes dix doigts et Yves déteste se salir. Quant aux enfants, ils sont accros à l’écran et à leurs petites habitudes. Si bien que le trip « Yes on va aller dans une ferme ce sera trop fun » s’est révélé, comment dire, plutôt remuant pour tout le monde.

L’ambiance de la ferme nous a surpris, étonnés, charmés, un peu bousculés.

Ce n’est pas une petite ferme traditionnelle, c’est plutôt un lieu de vie. Une façon de penser. La famille essaie de vivre en autosuffisance au maximum. Roxanne et Vincent sont des gens incroyables, qui trouvent que la consommation, l’école classique, l’individualisme, la malbouffe et la réussite personnelle, et bien c’est du vent. De la merde en boîte. Alors ils vivent complètement différemment et ils sont en accord avec leurs principes. A 100%. Sans prise de tête. Perso j’ai de nombreux principes, mais ils tiennent souvent le temps d’une introspection passagère. Genre, les enfants ont trop de jouets, ça suffit maintenant… Puis Noël arrive et je fais la queue comme tout le monde pour acheter des choses chères qu’ils regarderont à peine. Ici, rien n’est neuf. Ni les habits, ni les jouets ni les meubles. Tout est de seconde main. Et il n’y a pas de jouets stupides et agressifs. Les choses sont utiles, ou éducatives ou ludiques.

Une ferme et un grand potager demandent beaucoup de travail. Et il y a les bêtes. Petites et grosses. Pour une gentille petite famille citadine +/- propre sur elle, ça dérange. Car les bêtes, ben, ça sent fort. Et ça chie pas mal. Ou alors ça vous tourne autour en faisant « bzzz bzzz » continuellement. Quand ça ne vous pique pas sournoisement pendant la nuit ou une séquence jardinage. Dieu merci je venais de lire « Mange, prie, aime ». Dans son bouquin madame Sex’nd ze city raconte comment elle médite sans broncher en Inde pendant que les moustiques la piquent. Du coup j’ai décidé de suivre son exemple et d’arrêter de partir en courant dès qu’un machin volant me harcèle. (Mais de chien… ce que ça gratte ! Je ressemble au cochon de la ferme, blanche, rose et dodue et criblée de points rouges étranges). Yves me regarde une peu navré.

Ici, personne ne vit que pour soi, y a des choses à faire et chacun s’y colle. Le groupe prime sur l’individu. Point barre. Sans chichis. T’as pas pris ta douche ? Ni bu ton petit café ? Tout le monde s’en fout. Y a la vache à traire et c’est l’heure. On le boira plus tard. Du coup il faut lâcher prise, déconnecter et accepter les choses. Laisser tomber son référentiel de base et suivre le mouvement. S’adapter, quoi. Vu la zen attitude qui plane dans cette ferme, ça doit pas être si difficile. Alors on ouvre ses chakras et on prend les nouvelles énergies. Et puis un peu de terre sous les ongles et des cheveux hirsutes, ce n’est pas si grave pour démarrer une journée. (Dire qu’il y a quelques jours je geignais sur ma garde-robe, là je bénis mes fringues tout-terrain).

On se sent pourtant tout de suite à l’aise, car la famille est simple, conviviale, accueillante. Par contre le confort de base est un peu étrange à nos yeux. On a beau avoir largué notre villa pour un petit appart et frimer en mobility depuis deux ans, on aime bien nos petites habitudes. Ici, on dort dans une tente roulotte humide et moisie (argh), les toilettes n’ont aucune (vraiment aucune) intimité et la salle de bain est, disons, simple. J’explique aux enfants que le jaune au fond de la baignoire, ce n’est pas de la crasse, mais juste qu’il n’y a plus d’émail. Et oui, on se lave avec le petit tuyau, là. Les enfants pleurent les deux premiers soirs dans la tente en hurlant « je veux rentrer à la maison, ce tour du monde c’est nuuuuuuuuuuuuuuul, vous êtes des parents horribles de nous imposer ça, y a rien ici, c’est le trouuuuuuuuuuuuu ». Grands moments de solitude. Est-ce une démarche purement égoïste ? Les enfants vont-ils s’y faire ? Il faut dire qu’on se caille les fesses dans cette tente. On dort avec pantalons, polaires, sacs de couchage, et je m’enroule la tête dans mon écharpe tellement j’ai froid. C’est super humide. Et dur. Merde on n’a plus 20 ans en fait ! Et le deuxième soir il pleut des trombes, la tente fuit, on passe des heures à se demander si on va finir inondés. La banquette penche et grince, elle est trop courte pour Yves qui souffre du dos à mort. Inutile de vous dire que nos seuls échanges amoureux se limitent à bonne nuit, bonjour, un smack et voilà.

L’endroit cumule trop de trucs qui ne collent pas avec la manière d’être de chéri. Il aime les choses organisées, ici les horaires s’adaptent aux situations. Il aime les choses propres et rangées, ici la priorité c’est de faire le pain et de ne pas oublier de récolter les nouveaux oignons. Le rangement, c’est service de base et voilà. Pour Yves, le coup des toilettes écolo-compost, c’est aussi tout much. Il a son air « mais queske je fous là » et il me regarde l’air vaguement étonné de m’avoir suivie dans ce plan. Je fais la fière et décide de poser ma pêche derrière le petit rideau comme tout le monde et de recouvrir très gentiment ma petite affaire avec la sciure à disposition. Puis je sors mine de rien, soulagée de ne pas avoir fait trop de bruits incongrus et vais me laver les mains, l’air détachée.

Je tente de les convaincre qu’en fait c’est une manière de vivre géniale et que la tente est horrible, certes, mais tant pis, on se reposera plus tard. (Pour de vrai, je me sens fracassée, j’ai des courbatures à cause du jardin et je pue souvent la transpiration. Je peux vous assurer que les déo bio Ushuaïa ne tiennent pas à une journée de ferme. Et je dors aussi super mal.) Mais bon, les journées sont tellement belles… Bref, on finit par décider en conseil de famille que le woofing c’est pas tout à fait pour nous, et on annonce à la famille qu’on ne restera qu’une semaine au lieu de 10 jours. Du coup on décide aussi d’annuler notre deuxième rendez-vous woofing, car, semble-t-il c’est encore plus alternatif (hein ??!).

Pourtant, après quelques jours, tout le monde s’acclimate. Yves se détend, il a rénové le poulailler nickel et s’est presque habitué au veau qui le suit partout pour le lécher. Quant aux enfants, ils ne me disent plus 15 x par jour « mamannnnnnnnnn, je m’ennuieeeee, je sais pas quoi faire ». Ils jouent, s’insultent comme d’hab’ mais rient aussi comme des baleines. Par contre, il faut bien avouer que les enfants de la famille ont acquis un tout nouveau répertoire de vocabulaire grossier. La honte. Comment je me débrouille pour qu’ils soient aussi mal élevés ? Dire que j’ai lu des tonnes de bouquins sur l’éducation…

Roxanne cuisine divinement bien des produits qu’elle fabrique ou assaisonne avec beaucoup de créativité. Honnêtement je crois que je n’ai jamais aussi bien mangé. Et il n’y a pas de trucs genre yaourts allégés ou petite salade à midi. On mange du vrai, du bio, du complet, quasi végétarien. Bien sûr Arno déteste presque tout et se plaint de mourir de faim, mais ici nulle cachette à trésors genre mars ou biscuits. Y a éventuellement du pain avec du beurre d’érable faits maison, mais ici les enfants ne mangent pas entre les repas. Logique bien sûr. Plein de bon sens, comme tout ce qui fonctionne dans cette maison.

Je souris en pensant aux nombreux articles que j’ai lus ces dernières années sur la « green attitude ». Ici c’est pour de vrai ! L’écologie, le recyclage, la solidarité, le partage… Et tout est différent de nos vies, de nos manières de faire. Roxanne a accouché du dernier à la maison, les enfants ont été allaités 18 mois, ils font l’école à la maison, pas de vaccins, et tout le monde dort quasi au même endroit. Les prochains voisins sont à 500 mètres, mais passent souvent pour des œufs, du lait ou discuter le coup. Ils font aussi des échanges de garde d’enfants.

Faut quand même dire que l’ambiance est plus harmonieuse que chez moi, je me pose plein de questions. Quand on discute en partageant les tâches de la ferme, il n’y a pas de préjugés. A chacun sa vie, respect. On découvre un autre monde, les journées sont bien remplies mais sans stress, je désherbe le jardin, les enfants jouent dehors, Yves bricole, et le soir on se boit une petite bière pendant que les enfants jouent au trampoling. On partage même une clope… En fait, on se fait très vite à ce style de vie… Les soucis s’envolent, les petites angoisses aussi… Certaines choses semblent même complètement ridicules, hors contexte. Le jardinage est super thérapeutique, préparer un bon repas sain fait plaisir… Des joies simples. Je plane un peu, la tête dans les tomates, les mains dans la terre. Le temps de penser et pas seulement de réfléchir.

Après une semaine, on a pris le rythme et je dois dire que les enfants, et même Yves, m’ont étonnés. On a survécu ! Sans trop s’engueuler, sans se faire mettre à la porte. Et y a eu plein de bons moments. Arno s’est occupés des poules et d’un bébé chat abandonné et Timo a décidé d’aider Yves dans ses travaux. De plus il a dévoré tous les plats de Roxanne, on sent qu’il est en pleine croissance.

Bilan : une expérience géniale, une rencontre avec une famille que je n’oublierai jamais. Des images et des envies de changement plein la tête. Quelques heures de sommeil en retard, plein de piqûres d’insectes, des chaussures qui sentent bon le poulailler et des ongles foutus pour 15 jours… Des découvertes : comment on fait le beurre, quelle plante donne des asperges et, fait utile, que les hommes canadiens ne sont pas du tout, du tout machos. Et plutôt sains.

Avis aux copines célibataires ;-)

PS : là on passe 4 jours à Montréal pour organiser la suite du périple. Petit hôtel avec piscine, TV et frigo, wifi et coussins moelleux.

Départ le 18 pour 12 jours de camping-car :
Parc national de la Mauricie, Lac Saint-Jean et zoo de Saint-Félicien, Chicoutimi, Tadoussac, Les Escoumins, Baie Saint-Paul, Le parc National de Jacques Cartier, Québec et retour…

Pour des photos du wofing c'est par ici

Suite au prochain épisode ;-)

7 commentaires:

  1. mort de rire!
    dis, pourquoi ton blog est pas dans Les amis de Femina??? je demande à sylvaine fissa!
    becs

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  2. ET bien heureusement que l'expérience est devenue positive . Au début c'est pas très rassurant....
    Pour les bonnes résolutions, il ne reste plus qu'à essayer de les garder un peu plus longtemps, chose difficile...
    Ici tout roule, mais tu manques beaucoup. bisous

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  3. Un immense sourire de moi, avec pleins de plis au coin des yeux et de la bouche!!! Bisous

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  4. La Schtroumpfette23 août 2010 à 06:28

    Hihihi, et tu te rends compte qu'il y a des fous qui installent des WC à compost chez eux? ;o)
    Profitez à fond, bisous

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  5. j'adore toujours autant te lire... bisous bisous
    Caroline

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  6. Coucou, merci pour les comm' ça fait toujours plaisir de lire quelques mots depuis l'autre bout du monde ;-)
    Actuellement on campe et je tâche de trier mes photos et de mettre à jour les albums, le temps passe sit vite! Gros gros bisoux

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  7. PS la Schtrompfette: pour de bon tu as des toilettes comme ça? Avec un rideau??

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