dimanche 29 mai 2011

Faire l’école aux enfants ? Mais quelle idée !

« Il existe des prises de courant à éclipses. Recherche comment elles sont constituées et quel est leur intérêt ». Lundi matin, cours de physique avec Timo, pendant qu’Arno tire la langue sur des lignes d’écriture en attaché. Des courants à éclipse ? Mais qu’est-ce que c’est encore que ce machin ? Bon, allez, un petit tour sur le net pour trouver des explications. Zut, y a pas de réseau par ici, va falloir improviser différemment. Faire l’école à ses enfants en voyage, c’est ça avant tout, improviser, c’est à dire faire avec les possibilités locales et surtout, celles de chacun. Une émulsion, par exemple c’est de la sauce à salade. Facile à démontrer. Parfois il y a des petits miracles, comme le centre de la science de Brisbane qui a permis de comprendre la différence entre les circuits simples et les circuits électriques en dérivation. Et la culture générale se construit en fonction de nos excursions, comme trois jours aux temples d’Angkor avec un vieux guide local.

Séance école dans un Bed and Breakfast à Brisbane
Le programme scolaire peut être simple : vocabulaire d’allemand à apprendre, exercice sur les pourcentages et les problèmes de maths qui en découlent, les jours de la semaine pour Arno, l’alphabet. Mais parfois, ça se complique, genre les prises de courant à éclipses. Et il y a les grandes questions existentielles dont on ne peut pas se débarrasser aussi facilement qu’à la maison par un lâche mais efficace: « Euh, on va regarder ça dans un livre ensemble, d’accord ? ». Merci les bibliothèques. Et si jamais, y a Payot ou la Fnac. Je ne sais pas vous, mais moi, ce genre de truc se règle à coup de livres. Or, là, en voyage, on est un peu short… Alors on fait comme on peut. Exemples:
En plein milieu d’une séance de lecture, Arno adore sortir des trucs comme « Je crois plus en Dieu maman, tout ce que je lui ai demandé dans mes prières, et bien, y a rien qui a marché ». On avait décidé de respecter les croyances d’Arno qui avait dit un matin, vers ses 4 ans, qu’il croyait en Dieu. On lui a lu la Bible pour enfants (téléchargée façon BD sur mon iPod, merci la technologie) et montré aussi des autres formes de religion pendant le voyage. Là, des mormons (en Utah !), ici des bouddhistes (y en a assez en Asie), là une mosquée et même un temple Indien à Singapour. Et puis un matin, cette sortie. Faut-il expliquer, argumenter, nous qui ne sommes pas si sûrs de tout ceci ? Je lui ai juste répondu que ce n’était pas aussi simple. Mais alors ? Petits yeux grands ouverts, hein, maman, pourquoi ? Il faut alors assurer de grandes discussions philosophiques sur la croyance et ses mystères.
Et puis, un autre matin, alors qu’on potasse un livre sur la terre et son histoire « Maman, comment la graine elle fait pour aller dans le ventre des mamans exactement ? » Exactement ? Alors, euh, peut-être qu’on en reparlera quand tu seras plus grand, c’est un peu technique. Et tu es encore jeune. Non ? Tu veux savoir là, tout de suite, maintenant ? Et tu veux savoir « exactement ». D’accord, d’accord, je vais t’expliquer. Alors, le papa et la maman, quand ils sont très amoureux (autant se la jouer romantique à cet âge-là), se font des câlins, et puis le zizi du papa devient tout dur – Ah ! Comme moi le matin, j’ai le piquet, c’est pareil alors ? (Grand sourire épanoui) – euh, oui, c’est ça, il a le piquet, mais ce sont seulement les papas qui ont des graines et ce sont les grands qui ont des relations sexuelles. Quel âge ? Disons 16 ans, d’accord ? Donc, je reprends, le papa met son sexe dans celui de la maman et c’est comme ça qu’il met les graines, qui s’appellent les spermatozoïdes, et comme la maman fabrique un oeuf, et bien, … Hé, mais c’est dégueulasse ! Euh, ben c’est la vie mon petit et non, c’est plutôt sympa en fait. Silence consterné. Merde, j’en ai peut-être trop dit. Cet enfant est traumatisé ?? Quelques minutes plus tard le verdict tombe. Moi je ferai comme Mickael Jackson. On lui a pris des graines et il a trouvé une dame qui lui a fait ses enfants. Je veux pas faire ce que tu as dit là, c’est dégoûtant. Et je veux pas que ma femme on lui coupe le ventre pour sortir le bébé, comme ils t’ont fait à toi quand je suis né. C’est ce que je disais, traumatisé. Mais qu’est-ce qu’elles racontent les miss de l’éducation sexuelle aux cours en première primaire, hein ? Et surtout, d’où sort cette histoire de Mickael Jackson ? Et pourquoi diable lui a-t-on une fois dit qu’il était né par césarienne ?
Dur ensuite de continuer avec le « L’imagerie de la lecture, niveau 2 » et ses phrases passionnantes « la petite lapine tire la tulipe ». On reprend, encore une fois. La… oui « p » et « e » ça fait « pe »,… t – i, ti, etc.

L’école, c’est avant tout l’envie d’enseigner, la passion d’expliquer, la rigueur, la détermination, la patience, l’écoute et de la pédagogie en pagaille. Oups. Suis pas sûre qu’on ait toutes ces options en stock, Yves et moi. D’ailleurs, je remercie tous les bons profs que j’ai eu la chance d’avoir dans ma vie et j’ai une pensée compatissante pour ceux qui parfois pêtaient les plombs en classe quand cela faisait vingt fois qu’ils expliquaient la même chose et que certains préféraient se lancer des bouts de gomme en ricanant bêtement au lieu d’écouter.

Lorsqu’on a décidé de faire ce voyage et d’assumer l’enseignement aux enfants, je me disais « ça va le faire, ils sont intelligents, on a les grandes lignes du programme, on va faire ça tous les matins et puis ce sera l’occasion de passer de bons moments ensemble, de leur apprendre des choses ». Ah, c’est beau l’amour. Dix mois maintenant qu’il faut courir après les enfants pour les faire étudier, car il y a tellement de choses à faire plus intéressantes ! Dix mois qu’on constat âprement que la discipline nécessaire au programme scolaire est difficilement conciliable avec les aléas du voyage. Qu’il n’est pas toujours évident de trouver un espace calme pour se poser et travailler. Et qu’apprendre à lire à un petit, c’est super difficile quand il n’aime pas ça. Chaque enfant est différent. A l’époque, Timo avait eu sa technique bien à lui. Il nous avait demandé de répéter des centaines de fois des petits mots des livres de la collection « l’imagerie des petits » et il avait décortiqué ça tout seul comme un grand. Et un soir, il nous avait bluffé en sachant quasiment déchiffrer la plupart des mots. Il avait 4 ans. Ah, j’étais fière, ça c’est sûr ! Aujourd’hui, je transpire avec Arno qui ne s’intéresse pas à la lecture. Et il déteste l’écriture. Il aime les maths. Et les histoires. Et jouer. Aux Lego, aux petits soldats, et à l’iPod où il bat tout le monde en logique. Et il aime faire le clown, il nous fait mourir de rire lorsqu’il imite la vidéo de Youtube « I will survive » en enchaînant la chorégraphie nickel. A chacun ses compétences. Sauf que la lecture, c’est quand même important. Et les saisons aussi. Du coup, il refera sa première primaire et on va gentiment déléguer cette tâche à sa maîtresse que je bénis d’avance. (Promis maîtresse adorée, je vous ferai des tas de cheesecake pour les soirées de classe si vous me faites lire mon Arno).

Quant à Timo, il ne supporte pas qu’on lui explique quelque chose, ça l’énerve, il veut tout faire tout seul. Comme la lecture, à l’époque. Et ce qui m’avait rendue tellement fière m’insupporte aujourd’hui, car il faut parfois lui expliquer deux ou trois trucs difficiles à deviner tout seul, comme la manière de construire un argumentaire par exemple. Et là, on a droit à des soupirs, à des mouvements d’humeur, voire pire. Patience, inspirer, expirer. Et quand il oublie une notion (vue il y a quelques mois et parfois pas suffisamment répétée), il s’énerve carrément car il réalise que c’est dur de tout retenir et que sans les heures d’écoles, les devoirs et les tests, parfois on ne n’assimile pas les choses de la même manière. Alors il se bute, et là bonne chance pour rattraper la mayonnaise. Et nous on s’inquiète : se rappellera-t-il de la différence entre les angles alternes internes et les correspondants pour ses examens en août ? Du côté positif, il a par contre bien assimilé les notions de démographie, d’alphabétisation et la problématique de la sécheresse. Forcément, il a vu au Cambodge la différence entre les paysans qui vivent le long du Mekong et ceux qui sont dans les terres reculées et arides des plaines. Les premiers font deux récoltes par an de riz et plantent des légumes et du maïs en plus, tandis que ceux des plaines ne font qu’une récolte de riz par an et c’est souvent insuffisant. Alors les enfants ne vont pas toujours à l’école, car il faut donner un peu d’argent au professeur (qui ne survit pas avec ses 40 dollars par mois de salaire) et ils n’en ont pas. Pour Timo, et même Arno, ce sont des choses qu’ils ont vues de près, on a parlé avec des professeurs, visité des villages, traversé les plaines, longé le Mekong, vu les enfants… Mais ce ne sera peut-être pas suffisant pour passer en huitième car pendant ce temps-là, j’ai eu du mal à lui enseigner les subtilités de la grammaire allemande (ce n’est vraiment pas ma tasse de thé) et on a sué sur les exercices de physique. D’ailleurs à ce propos, je me réjouis que super Mom nous rejoigne. Peut-être que si je lui beurre ses tartines le matin elle voudra bien m’aider avec cette cochonnerie d’allemand ?

De manière générale, on s’est organisé comme cela : cinq jours d’école pendant lesquels on travaille le matin (environ deux heures et demi) puis deux jours de week-end. On a aussi suivi le calendrier des vacances scolaires. Pour Timo l’accent est mis sur les branches principales : math (algèbre et géométrie), allemand, anglais, français, physique et quand on a le temps, de la culture générale classique. Pour Arno, c’est lecture, écriture, calculs et notion du temps. J’assure trois jours avec Timo et deux avec Arno et c’est l’inverse pour Yves. On a carrément laissé tomber les tests formels, la musique, la couture et le bricolage et ils dessinent ce qu’ils veulent. Quant au sport, on en fait assez naturellement pendant le voyage.

Il y a des jours qui se passent merveilleusement bien et d’autres où je me dis qu’on est cinglés. Il y a des cris, des larmes et quelques cahiers ont parfois volé dans la pièce. On rit aussi beaucoup et il y a, dieu merci, des moments d’émerveillement, comme quand Arno a réussi à déchiffrer ses premiers petits mots ou quand Timo se lance dans de petites conversations en anglais avec des gens de passage.

On se retient bien sûr comme on peut de leur taper dessus quand ils manifestent une parfaite mauvaise volonté. Parfois on s’échange même les enfants dans la matinée pour éviter la crise de nerfs. Mais laborieusement, consciencieusement, on n’a jamais lâché. Yves se coltine des kilos de livres dans son sac à dos et j’ai fait et refait le programme de Timo dans tous les sens pour essayer de ne rien oublier. Aujourd’hui, à quelques semaines de la fin, on est plus zen, on les encourage à être un maximum autonome et on ne harcèle plus Arno sur des choses qui visiblement ne sont pas acquises. Il recommencera, avec une vraie maîtresse et je suis persuadée que sa pédagogie, associées aux bonnes méthodes, à la dynamique de la classe et des copains feront la différence. (Laissez moi rêver, ok ?) Quant à Timo on va essayer de le préparer à ses examens, sans pour autant le stresser avec ça. Si doit refaire sa septième ce sera aussi plus simple pour lui et je le prépare à cette éventualité.

Ayant passé quelques heures sur des sites de parents (de mamans devrais-je dire) qui scolarisent leurs enfants à la maison, je dois constater que nous ne sommes pas de la même planète, ce sont des super women et je leur tire mon chapeau, car perso, ce n’est pas mon truc, ne s’improvise pas prof qui veut…. Je ne rêve que d’une chose, c’est de confier à nouveau cette responsabilité à des pros. Et puis, l’école, ce sont les copains, la cantine, la récréation, les sports collectifs, les profs qui nous poussent en avant, les fous rires en classe. En tous les cas ce sont les souvenirs que j’en garde avec le recul… (Oui je sais, il y a aussi les ribambelles de tests, les profs qui ont oublié d’être passionnants, le racket et les heures de devoirs, mais quand même, on a de la chance d’avoir globalement de bonnes écoles en Suisse).

J’essaie de ne pas trop voir cette expérience de « homeschooling » comme un échec, mais plutôt comme une réalité qui nous dépasse un peu. On fait au mieux de nos moyens et les enfants ont encore toute la vie pour se rattraper, ce voyage leur aura tellement apporté ! Timo a pris une bonne dose d’assurance, Arno est devenu beaucoup plus autonome et ils ont appris tous les deux des milliers de petites choses grâce à cette merveilleuse école de la vie qu’est le voyage. Et puis, qui sait, on aura peut-être une bonne surprise avec Timo ? On le saura juste avant la rentrée. Ses examens sont mi août, les mêmes que ceux qui arrivent de privé. Ils ne sont pas obligatoires pour lui, mais on a privilégié cette option avec le collège pour lui éviter d’être enclassé dans la mauvaise année. Tenez-lui les pouces !

Sur ce, je vous laisse, le soleil nous attend et il s’agirait d’en profiter, bises à tous, belle journée et merci d’être là, de nous lire, merci pour vos messages ici, par email, sur Facebook, ils nous font du bien.
N'ayant pas fini de mettre mes favoris scolaires à jour, voici en attendant quelques applications iPod / iPhone super bien faites qui aident à réviser: les dictionnaires Larousse, Calcul mental, Busuu pour les langues, Devine la capitale, Devine le pays, Drapeaux quizz, Famille les incollables, Apprendre l’alphabet en s’amusant, Apprendre l’heure en s’amusant, Lola ABC, Trivial Poursuit, Bescherelle le conjugueur, Jouons avec les mots, etc.

9 commentaires:

  1. Bonjour Family,
    Respect pour ce que vous faites pour les études des enfants... C'est déjà pas facile dans des situations familiales dites normales... Non, ton expérience de homeschooling ne doit pas être vue comme un échec , mais comme une expérience qui servira aux autres...
    Dans tous les cas, je vous félicite, car ce n'est pas facile, et, que vous maintenez le cap... Je vois envoie plein d'énergie...
    Je pense à vous. Marcos

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  2. coucou
    Suis en train d'aider les enfants pour les devoirs et compati.....chaque enfant à son rythme et l'apprentissage de la lecture et plus ou moins long On a toujours l'impression qu'on a le seule enfant incapable d'apprendre et puis un jour c'est le declic Lilian n'aime pas lire il destestait les histoires et je lui ai lu l'encyclopedie des chevaux durant 3 ans et puis il ne lit que l'Equipe! je suis persuadée que ce qu'ils ont vécu est essentiel Apres ils rattraperons leur retard sans souci
    pense fort à vous
    mireille

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  3. bien d'accord avec maman aucun livre d'histoire ne poura jamais expliqué aussi bien qu'un voyage autour du globe. Moi je pense meme que les profs d'histoire devraient nous payer un super voyage en rapport avec le programme PASSIONANT de chaque année ^^
    enfin voila pleins de bisous a vous tous !!
    chloé

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  4. ma chérie, je t'aime! Tu m'as fait hurler de rire avec ton explication sur comment on fait les bébés!!! Finalement, c'est vrai, c'est carrément dégeulasse... Pouerk!!!! Heureusement que tu ne lui as pas dit que les filles pissaient le sang tous les mois...
    carole

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  5. Suis en TOTALE admiration ! Tout cela m'est tellement lointain… et dire qu'il va falloir s'y atteler à nouveau… j'angoisse déjà ;-/
    Heu mais comme je ne regrette pas d'avoir repoussé l'entrée à l'école de mon petit bout à l'année prochaine… et une patate chaude, une !

    Profitez de ce magnifique voyage, le reste suivra… carpe diem !

    Bisous !
    Elodie

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  6. salut ma belle,
    ça fait maintenant depuis le début de ton voyage que je vous lis de temps en temps et à chaque fois c'est le même régal. je finis toujours par me tordre de rire. j'adore ton esprit!
    Profitez bien de vos derniers mois de voyage.
    j'espère te revoir à l'occasion à votre retour et bonne chance pour Timo.
    Patrizia, ex collègue chez Edipresse

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  7. @ Marcos : merci pour ces encouragements, j'essaie effectivement de me dire qu'on a fait au mieux, t'embrasse et te dis merci de suivre nos aventures, c'est cool de te lire.

    @ Mireille et Chloé: suis gâtée, un message de la mère et de la fille, trop contente! Chloé ça me fait chaud au cœur ce que tu dis, c'est cool, merci ! Et Mireille, je sais qu'on se comprend :-). Vous nous manquez, quand est-ce qu'on se revoit ? Je passerai bien vous faire coucou à l'occasion ! Embrassez tout le monde pour nous !

    @ Carole: non mais t'imagines le Arno ? On n'a pas fini de se marrer c'est moi qui te le dis ! Bisoux, my love

    @ Elodie : ça me rassure de lire que certaines mamans n'ont pas toutes des loulous fin prêts à entrer dans le système et que pour certains, une année plus tard, c'est bien aussi, bises et merci pour le message

    @ Patrizia : Hé, trop sympa de te lire, j'espère que tu vas bien et avec plaisir on se recroise à notre retour, une grosse bise et au plaisir!

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  8. Certes, je ne connais pas les superwomen dont tu parles, mais moi c'est vers toi que je tire mon chapeau. Mère courage, laisse-moi te le dire! ;)
    Et quelle plume! Je regrette d'ores et déjà votre retour...

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  9. Merci pour le message, ça fait du bien... J'ai bien aimé écrire pendant ce trip et cela m'a donné envie de continuer mais peut-être sur d'autres choses, on verra :-) et une grosse bise ensoleillée

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